Café des Plumes. Toulouse. 18h.
Dans 30 min, Benoît Séverac va franchir la porte. Il parait qu’il est sympa. On raconte même qu’il est drôle. Ce n’est pas étonnant qu’il ait choisi ce lieu pour sa séance de dédicace. Ici, au Café des Plumes, règne une senteur de bienveillance. Une odeur de bonheur. Une odeur de muffins et de thé bio. C’est un peu comme à la maison. En ouvrant la porte pour la première fois (c’était à l’occasion d’un atelier littéraire organisé par L’Échangeoir d’Écriture), j’ai eu l’impression d’être attendue. Des sourires, des bouquins, des photos, des bonjours…

Aujourd’hui, assise à ma table, je déguste mon thé et mon gâteau fait-maison. Putain que c’est bon ! Les myrtilles chatouillent mon palais et je savoure cette douceur en jetant un coup d’oeil à l’expo photo sur les murs.
Inde, Afrique…Voyage grâce à la photographe Carine Casado.
Anne, la gérante, s’installe à ma table avec sa crêpe. On goûte ensemble.
Moment de répit pour cette amoureuse des livres, des crêpes et des rencontres qui s’active pour accueillir comme il se doit l’auteur toulousain.

Dans la librairie, j’assiste à la vie d’un quartier bien vivant.

Une cliente passe faire un petit coucou, juste avant de s’envoler pour La Rochelle. Une autre précise qu’elle n’a pas encore réussi à imiter les fameux Brookies de Mademoiselle Yummy. La recette restera donc un secret bien gardé. Du monde, va et vient. Ici, c’est un peu chez eux, chez nous.

Sur les étagères, je regarde les bouquins proposés par la libraire. Je penche ma tête sur le côté, les titres m’attirent comme une abeille vers une tarte au citron. Oui, j’adore la tarte au citron. Bref ! Des histoires d’espionnage en éditions Jeunesse, des livres de recettes sans gluten, du Werber, des Jedis, des revues (dont l’excellente revue toulousaine Gibraltar) et du Séverac.

Justement, l’auteur ne va pas tarder à se pointer. Ses bouquins empilés et prêts à être dédicacés attendent sagement leur maître. Il parait qu’il vient en moto. La rocade ne l’aura pas piégé et c’est pile à l’heure qu’il arrive.
Barbe de trois jours, blouson en cuir, bagouzes aux doigts et sourire aux lèvres. Il commande un jus de fruits. Anne taquine l’auteur indécis qui hésite entre les jus bios de la maison. Faut dire qu’il y a le choix ici. Si mes souvenirs sont exacts, il va opter pour un jus d’abricot.
Bon, ça commence. jeu de questions réponses. Anne se lance. Il parait que Benoît Séverac est bavard. Je confirme.
Avec lui, on parle écriture, indiens, yoga, chien, ruelles et compagnie. Une heure durant, nous voilà plongés dans l’univers de l’auteur de Polars toulousain.

« Quand une idée me colle, je creuse »

Benoît Séverac nous dévoile quelques-unes de ses sources d’inspiration. Des ruelles, des rencontres, des recherches…pour lui « tout peut servir de matière à un roman, il suffit d’écouter« . Et d’ajouter « Je ne crois pas à la page blanche, on peut toujours écrire« . Dans sa tête, il nous explique que des milliers d’idées lui traversent l’esprit, qu’il les note sur un carnet ou enregistre quelques mémos vocaux. Et puis, quand une idée lui colle à la peau, un peu comme un gamin qui tirerait le pantalon de son père en le suppliant de venir voir ce truc génial, et bien, il creuse, il creuse au fond de sa tronche d’auteur et bam !

 » Moi, le yoga et le Rooibos, ça me gonfle! »

Oui, bam ! Parce que chez Séverac, c’est la colère qui l’inspire ! Colère dans ce monde qui ne tourne pas toujours rond, colère créatrice, colère bienveillante. Séverac, il n’est pas du genre à se plier en quatre sur un tapis de yoga ou à siroter du thé. Pas besoin de calmer cette colère. Elle doit être ressentie, elle doit l’imprégner pour intensifier ses sentiments. Il ne carbure pas à la tisane, Séverac, mais à la niaque.

« Je peux endosser des colères très anciennes »

L’Histoire, les guerres, les génocides, les injustices sont ces vieilles traînées de poudre prêtent à exploser sous la plume de cet auteur humanisme et engagé.
En témoigne son dernier polar « Wazházhe » co-écrit avec Hervé Jubert. Les auteurs nous transportent en plein cœur d’une enquête criminelle mêlée de chamanisme, de haine et de vengeance.
Lorsque Benoît Séverac nous parle de la genèse du livre, on sent très vite son engagement auprès des peuples opprimés et particulièrement, ici, des indiens de la tribu Osage. Il y a chez lui comme une envie de creuser l’Histoire avec un grand H pour réparer certaines injustices.
Même chose dans son roman « Une caravane en hiver » où Arthur laisse parler son cœur et aide Adnan, jeune syrien réfugié à Toulouse. Ici, c’est le Benoît adolescent qui tient la plume.

« Quand j’écris, je console l’ado qui est en moi « 

Ecrire pour la jeunesse, ce n’est pas seulement parler de sujets qui intéressent les jeunes mais c’est avant tout leur parler avec honnêteté. Séverac ne se considère pas comme un auteur « bloqué à 15 ans » qui déverserait ses mots d’ado boutonneux. Non, écrire pour la jeunesse, c’est, comme il le dit si bien, « explorer ses failles ». Les ados ont cette espèce de voix sincère, celle qui parle avec le cœur et l’auteur essaie de rendre compte de cette parole : « Quand j’écris, je console l’ado qui est en moi« .
Il y a chez Séverac, une sorte souffrance bienveillante qui nous invite à souffrir avec lui. Allez, soyons fous ! Mais pourquoi donc ? Parce que cette douleur se voit dans ses textes, son rapport avec le monde et avec ses lecteurs. Parce que cette douleur fait un bien fou. Ouvrir un bouquin de Séverac, c’est entrer dans son monde et en sortir différent.

Un monde qu’il a dernièrement partagé avec l’auteur Hervé Jubert en co-écrivant « Wazházhe ».
Ecrire à quatre mains, c’est, je cite, « se faire une bouffe et bosser « . A priori, l’exercice parait bien facile. En réalité, c’est un sacré défi ! Pour le duo, il n’était pas question de faire du Séverac et du Jubert. Non, il fallait créer une troisième voix, celle du roman. Et pari gagné avec ce bouquin que je vous conseille vivement de lire.

« J’ai peur de crever avant d’écrire toutes mes histoires »

Derrière cet auteur talentueux se cache un homme sincère amoureux de l’écriture et de la vie. Inventer par l’écriture peut être épuisant, angoissant, frustrant et en même temps vivifiant, stimulant et contagieux.
Oui, ce mec qui porte une barbe de trois jours, un blouson en cuir et qui boit du jus d’abricot vous donne cette espèce de punch, d’élan du bonheur et vous rappelle qu’écrire est une putain de respiration ! En sortant du Café des Plumes, ce soir-là, j’ai eu envie d’enfourcher ma moto et de tracer ma route vers des contrées inspirantes. Mais je n’ai pas de moto, juste un Fiat Doblo, je n’ai pas de blouson de bicker, juste un sac d’écrivain au cuir usé jusqu’à la moelle. Mais j’ai un truc au fond de moi qui ne me quitte jamais et qui ce jour-là a résonné encore plus fort, c’est ce sacré besoin d’écrire !
Merci donc Benoît Séverac et Anne pour cette rencontre littéraire, humaine et inspirante. Ça fait un bien fou !

Notes :

  • Vous pouvez retrouver tous les ouvrages cités à la librairie Le Café des Plumes. 78, route de Blagnac à Toulouse.
  • La page facebook du Café des Plumes, c’est par ICI.
  • Le site de Benoît Séverac à découvrir absolument pour suivre son actu. ICI.
  • Hervé Jubert et son univers. ICI.
  • Les pâtisseries de Mademoiselle Yummy que vous pouvez déguster au Café des Plumes sont toulousaines et à croquer.
  • En ce moment, Le Café des plumes expose les photos de Carine Casado, univers à explorer ICI.
  • L’échangeoir d’écriture propose des ateliers au Café des Plumes.
  • La revue toulousaine Gibraltar à feuilleter sans modération.
  • Éditions Syros
  • Éditions Le Passage